Avec le projet Trans.sénia, CAPTE a l’ambition de favoriser le passage de la monoculture à l’agroforesterie, via l’installation de parcelles de démonstration dans le nord de la Tunisie
L’adaptation au changement climatique et la lutte contre son aggravation sont désormais une réalité qui concerne tout un chacun, et en premier lieu les agriculteurs et les communautés rurales. L’idée du projet Trans.sénia (allusion à “Sénia”, qui signifie “Ferme” en dialecte tunisien) est d’installer des parcelles modèles d’agroforesterie et diffuser cette pratique comme une des solutions au défi actuel.
En effet, les agriculteurs de la zone pratiquent souvent la monoculture ou disposent de terres non cultivées. Or l’association des cultures habituelles avec des arbres fruitiers ou forestiers permet d’améliorer la biodiversité et de créer un écosystème durable. De plus, la culture de méteil, qui consiste en une association de graminées et légumineuses récoltées sous forme de grains ou de fourrage, permet des échanges bénéfiques et une meilleure conservation de l’eau dans le sol, lequel est de surcroît enrichi en matière organique. Dans le même ordre d’idée, la technique du paillage appliquée sur les arbres ainsi plantés, permet de conserver l’humidité aux pieds des arbres et évite la repousse des adventices ou « mauvaises herbes ».
Dans d’autres situations, la plantation de haies d’arbres forestiers à usage mixte est non seulement utile en tant que brise-vent ou en tant que clôture, mais permet également de lutter efficacement contre l’érosion.
Installation d’une haie
Des arbres rustiques, résilients et “multifonctions”
Au total, ce sont environ 1100 arbres fruitiers et 2000 arbres forestiers qui ont été plantés dans les quatre fermes concernées par ce projet cette saison. Sur chacun des sites, une petite unité de compostage est installée, avec du broyat et du fumier frais, dans le but de sensibiliser les agriculteurs à l’importance de valoriser les déchets organiques de la ferme en ayant sous les yeux une “illustration concrète” de ces avantages.
Oliviers et oléastres, amandiers, figuiers ou caroubiers : ces arbres méditerranéens rustiques s’adaptent bien à la sécheresse. Leur association au sein des cultures peut permettre d’améliorer la biodiversité et créer un écosystème diversifié et riche, malgré le contexte actuel, avec la baisse de la pluviométrie et des périodes de sécheresse toujours plus longues.
Dans le cas du figuier de Barbarie, plante grasse extrêmement résiliente à la sécheresse, l’usage est mixte : en effet, si le fruit – la figue de Barbarie ou “soltan el ghalla” – est très apprécié en Tunisie et bien au-delà, les raquettes, plantées en haies, protègent le sol contre l’érosion et tiennent lieu de clôture naturelle pour les parcelles. De plus, il peut être utilisé comme fourrage pour les bêtes.
Les pépinières volantes : un projet engagé, productif et indépendant
Un autre volet du projet consiste dans la mise en place de “pépinières volantes”. Cette production locale en plants fruitiers et forestiers permet de subvenir aux besoins de l’agriculteur pour les saisons futures et constitue un revenu supplémentaire ; en effet, l’association propose d’acheter ces plants lorsqu’ils seront prêts, afin de les distribuer à d’autres bénéficiaires, dans le cadre d’autres projet menés dans la zone.
Le rôle de CAPTE, principalement avec le caroubier et le leucaena – le fameux faux mimosa (Leucaena leucocephala) – mais aussi avec le figuier et le mûrier (morus alba) en automne, est d’initier l’agriculteur sur les techniques de multiplication des arbres, notamment le bouturage. Dans une zone riche en arbres et arbustes sauvages, mais dégradée à cause du surpâturage et autres interventions humaines, ces arbres et arbustes ont un fort potentiel fourrager.
Le projet Trans.sénia intègre par cette initiative les femmes agricultrices partenaires qui ont participé aux différentes activités et journées d’informations et de sensibilisation, avec engagement, persévérance et motivation, particulièrement dans le suivi et la gestion desdites pépinières volantes.
Pépinières… oui mais FMNR en même temps
Afin de motiver l’agriculteur à s’engager davantage vers cette pratique, les principes de la technique simple, rapide et efficiente de FMNR (”Farmer-managed natural regeneration”) ont été appliqués, essentiellement sur l’oléastre vu son importance économique et sociale. Cette technique de régénération naturelle assistée, simple et peu coûteuse, permet une repousse rapide des arbres, qui entrent en production après seulement une saison. Des oléastres ont également été greffés avec des variétés autochtones, qu’elles soient à huile et ou destinées à la production d’olives dites “de table”. Les arbres greffés seront productifs sous 3 ans, avec une production de bonne qualité et une rentabilité bien meilleure qu’un plant d’olivier classique, qui réclame davantage de temps et d’entretien.
Solutions fondées sur la Nature & partenaires
Comme c’est souvent le cas dans le cadre des projets impulsés par CAPTE, Trans.sénia va au-delà de ses premiers partenaires et interlocuteurs, à savoir les agriculteurs, afin de sensibiliser et mobiliser aussi le grand public de la population locale, notamment les jeunes générations. Une implication qui prend la forme d’ateliers et de journées de formation sur les bonnes pratiques agricoles et les Solutions fondées sur la Nature (NbS) : compostage, méteils, taille, FMNR, greffe, agroforesterie et agrosylvopastoralisme… Ces ateliers sont animés sur site avec plusieurs partenaires, notamment dans le cadre du club environnement de l’Ecole Supérieure d’Agriculture (ESA) de Mateur
Le projet intègre diverses Organisations de la Société Civile (OSC) avec qui CAPTE travaille en synergie. L’association Exploralis a mené depuis 2019 un projet dans la zone, particulièrement au sujet des haies bocagères et L’Association Tunisienne de l’Agriculture Environnementale (ATAE) qui contribue à l’organisation des activités (notamment plus de 4 hectares de méteils semés) et des journées d’information et de sensibilisation à l’agriculture environnementale, mettant en exergue l’importance d’intégrer le couvert végétal, le méteil contenant les légumineuses pour enrichir le sol en matière organique et ainsi conserver l’humidité dans le sol pour en améliorer la biodiversité.
L’appui institutionnel local contribue à la bonne réussite du projet : remercions notamment le Commissariat Régional au Développement Agricole (CRDA) Bizerte, la Cellule Technique de Vulgarisation agricole (CTV) et l’arrondissement des forêts de Bizerte pour leur soutien et appui technique.
Risques et continuités
Les risques nombreux, combinés au changement climatique et aux récentes canicules, augmentent : un incendie s’est malheureusement déclenché en juillet 2022 à la lisière forestière de l’un des bénéficiaires du projet, détériorant l’intégralité de la parcelle plantée. Avec l’appui de ses partenaires, l’association Les Amis de CAPTE-Tunisie s’est engagée à replanter cette parcelle, installant une haie de caroubiers, reconnus comme de bon coupe-feu protecteur contre les incendies.
Dans la continuité de ses projets dans le Gouvernorat de Bizerte, et dans le cadre du programme PPI OSCAN 3 (lien) de l’Union internationale pour la conservation de la nature Méditerranée (IUCN-Med), et toujours en synergie avec ses partenaires, CAPTE continuera de promouvoir l’agroforesterie avec un nouveau projet intitulé “C6 : Corridors Caroubiers CAPTE Carbone Changement Climatique”. Par ailleurs des synergies restent possibles dans le cadre du projet PACTE de l’AFD et dans le gouvernorat de Bizerte, projet qui vise notamment à lutter contre l’érosion. ( lien ?) Le projet Trans.sénia, des fermes en transition, appartient au programme TRANSCAP, mis en œuvre par l’IUCN-Med et cofinancé par le Gouvernement des Îles Baléares en Espagne
Contactez-nous : lesamisdecaptetunisie@gmail.com
