Trognes en tête
Le 2e Colloque européen sur les Trognes se déroulera du 1er au 3 mars au Pays Basque. L’occasion de rappeler en quoi consiste cette pratique très ancienne, et son intérêt agricole, social et écologique.
Après une première édition organisée à Boursay, dans le Loir-et-Cher, en 2006, c’est à Sare, dans le Pays Basque (64) que se déroulera, début mars 2018, le deuxième Colloque européen sur les Trognes, “La tête dans les trognes”, sous l’égide de l’Association française d’agroforesterie et de l’association de développement agricole et rural Euskal Herriko Laborantza Ganbara, notamment. L’occasion pour les organisateurs, qui annoncent des intervenants venus de plus de 10 pays dans le monde, d’ “ouvrir de nombreuses perspectives et redonner aux trognes une place stratégique dans un développement agricole durable, tant pour la préservation des ressources que pour la diversification et la productivité des agro-systèmes”. Ces “working trees”, également appelés “têtards”, sont en effet des “accélérateur” en termes de stimulation de la biodiversité, de régulation du cycle de l’eau, de captation de carbone et de maintien de la fertilité des sols, notamment.
Arbres de différentes essences (frênes, chênes, tilleuls…), les trognes sont taillées d’une manière particulière, en hiver, chaque année ou sur une période plus longue, en les “étêtant” à partir d’une certaine hauteur. En raison du réveil des “bourgeons dormants” contenus sous leur écorce, ils développent une ramification abondante, devenant ce que l’artiste-botaniste Dominique Mansion compare à “des forêts aériennes” ou “des forêts sur pilotis ». Des sculptures vivantes, qui évoluent avec le temps, qui existent depuis la nuit des temps – les oliviers et les vignes sont les trognes par excellence.
Retour en grâce
Ces silhouettes, tortueuses et boursoufflées, qui inspirent les artistes et plus largement l’esthète qui sommeille en chacun, ont par cette pratique ont une longévité impressionnante : le fait d’étêter un arbre lui confère beaucoup de densité et donc de résistance au vent, et protège les jeunes pousses, désormais haut-perchées, de sa destruction par la plupart des herbivores.
Mais l’intérêt des trognes dans l’époque moderne va vie au-delà, et explique son retour en grâce aujourd’hui, après des années d’abandon d’une pratique longtemps jugée trop “paysanne” : la trogne permet en effet de remédier à de nombreux problèmes d’ordre écologique, économique, social, en ville comme à la campagne. Source d’énergie avec le bois d’œuvre, de menuiserie avec les grosses branches, reconstituant des sols et de l’humus avec le broyat des rameaux et des feuilles ou BRF (pour “bois raméal fragmenté”), qui est également une litière parfaite pour les bovins, la pratique de la trogne s’avère aussi bénéfique, d’un point de vue social et intergénérationnel, entre voisins d’un lotissements ou en termes d’éducation des générations futures. Comme le résume Dominique Mansion, “ces “morts-vivants” constituent une réserve de biodiversité exceptionnelle et à long terme, du fait de leur durabilité”, évoquant entre autres l’exemple de la chauve-souris ou du pique-prune, qui élisent domicile dans le creux de leur tronc, ou encore les bénéfices pour les productions agricoles, “grâce au contrôle de leur ombrage et de l’encombrement qu’ils représentent pour les tracteurs”.
De tout cela, et de bien d’autres sujets encore, il sera question en mars à Sare, “pour faire rimer biomasse et biodiversité à tous les étages”, avec des dizaines d’interventions d’agriculteurs, de techniciens, d’élus, de chercheurs…, à travers des conférences, des tables rondes, mais aussi des visites de terrain ou des démonstrations de matériel. L’équipe de CAPTE, évidemment très attentive à ce sujet qui touche au plus près à ses préoccupations agroforestières, reviendra régulièrement sur cette pratique, toujours avec passion et curiosité.
L’équipe Capte
Pour en savoir plus :
2e Colloque européen sur les Trognes, les 1, 2 et 3 mars 2018 à Sare (64310). Informations http://www.agroforesterie.fr/2e-colloque-europeen-sur-les-trognes-1-3-mars-2018-Sare-Pays-Basque.php
A lire : Les Trognes, Arbre paysans aux mille usages, de Dominique Mansion (Ed. Ouest France, 2015)
